François Hollande aura donc attendu que la situation semble désespérée pour se remettre à faire ce qu’il n’avait pourtant jamais cessé de faire jusqu’à son élection : de la politique. A mi-mandat, le chef de l’Etat est non seulement honni par la France de droite, mais (et c’est évidemment beaucoup plus compromettant pour son avenir) totalement déprécié à gauche. Ce n’est pas franchement de la colère, mais un mélange peut-être encore plus mortifère, de déception et d’indifférence. Un précipité déjà cristallisé. Selon les instituts de sondage, seul un tiers des sympathisants de gauche veulent bien lui accorder leur confiance. Et une écrasante majorité (73% selon un dernier sondage Opinionway pour le Figaro) souhaite qu’il ne se représente pas à la présidentielle de 2017.

Rien, jusqu’à maintenant, n’a pu enrayer cette vague de rejet. Certes sa dernière émission de télévision, à TF1, lui a permis de grappiller un ou deux points de popularité. Mais c’est tout. Autour, ses derniers supporteurs ce petit camp de hollandais historiques, osent même douter à voix haute : «J’alterne, confesse l’un d’entre eux. Il y a des jours où je doute sincèrement que François puisse être présent au deuxième tour en 2017. Et puis je me reprends. Mais, je ne vais pas prendre des médicaments, ce n’est pas bon pour la santé.»

Fidèle d’entre les fidèles, François Rebsamen, ministre du Travail, confie : «Ça va être difficile, mais je pense qu’il y a un espace politique.» En revanche,tous en conviennent, tout se décidera cette année 2015 : «Si on en est exactement au même point dans un an, on pourra dire que ce sera extrêmement difficile», certifie un ministre hollandais.

«cercles». Le chef de l’Etat ne se laissera pas enterrer sans se battre. «Pendant deux ans et demi, Hollande n’a pas parlé aux gens qui l’ont élu, confie un intime. Il commence aujourd’hui ce travail de récupérer ceux qui se sont éloignés. Il va retrouver sa gauche par cercles concentriques à mesure que la fin de son quinquennat se rapprochera.» Hollande n’a plus d’autre option. Il sait qu’il ne pourra pas, dans les prochains mois, compter sur des résultats suffisamment consistants pour convaincre son opinion publique que ses choix de politique économique étaient les bons.

En attendant, donc, il commence par le plus facile : se rappeler au bon souvenir des Français comme le premier opposant à Nicolas Sarkozy. Cela lui a permis d’être élu en 2012. Il y revient.

Dans ses discours, il y a donc désormais presque systématiquement une cible : son prédécesseur de droite à l’Elysée. Fin novembre, devant les ouvriers d’ArcelorMittal, le chef de l’Etat déclare vouloir faire de Florange, «l’anti-Gandrange», cette aciérie fermée en 2009, malgré les promesses de son prédécesseur. A Dakar, au sommet de la francophonie, il rappelle, dans une référence appuyée au fameux discours de Sarkozy, que le continent africain est non seulement «entré dans l’Histoire» mais qu’il est «plein d’avenir». Et le 15 décembre prochain, il se rendra à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, ce musée lancé par Jacques Chirac mais que Sarkozy avait refusé d’inaugurer… afin de parler, pour la première fois de son quinquennat, d’immigration. «Ce n’est pas une obsession contre Sarkozy, juste une attention», sourit un conseiller du chef de l’Etat.

Triplette. Reste le cœur de son problème : comment renouer avec son électorat, sans pour autant changer de politique ? Hollande a longtemps fait l’autruche. Ce sont d’abord les hollandais historiques, ce petit noyau de fidèles, inquiets de la tournure prise par le quinquennat, qui se sont employés à tordre le bras de leur patron. Pendant l’été, Stéphane Le Foll et Michel Sapin ont bataillé, en coulisse, pour le convaincre de lâcher son objectif de 3% de déficit public en 2015. Puis c’est la triplette Le Foll, Le Roux, Rebsamen qui a poussé pour lui faire accepter ce qu’il a toujours refusé : une mise sous condition de ressources des allocations familiales. Enfin, c’est Bruno Le Roux, le patron des députés socialistes, qui a porté la semaine dernière le vote pour la reconnaissance d’un Etat palestinien. Les hollandais ont vite compris le piège dans lequel les emmenait Manuel Valls : à force de déporter Hollande à la droite du PS, le Premier ministre créait (volontairement ?) les conditions d’un impossible rassemblement à gauche. Et donc d’un échec certain de Hollande en 2017.

L’année 2015 sera cruciale : ce sera à la fois celle d’un double scrutin (les départementales en mars puis les régionales en décembre) et d’un congrès du PS (lire page 4). Dans cette perspective, Hollande a donné une consigne à ses disciples : multiplier les gestes et les paroles bienveillantes vis-à-vis de Martine Aubry. «La majorité au PS se trouve avec les hollandais et les aubrystes, confirme un ministre très proche du chef de l’Etat. Mais il ne faut que pas que l’on donne l’impression que ce rapprochement se fait sur le dos de Manuel Valls.»

Les derniers partisans de Hollande n’osent pas se projeter beaucoup plus loin que l’an prochain.

Chaque chose en son temps. Reste l’humour du désespoir : «La gauche est aujourd’hui une rareté, et comme ce qui est rare est cher, on va tous devenir riches», rigole un proche du Président.